J.D. : Ceci est un grand problème, mais le concept dans sa globalité pourrait être différent. Je ne crois pas que c'est un point valide parce qu'il faut qu'il y ait une certaine solidarité, par laquelle les personnes en bonne santé aident celles qui ne le sont pas. Cependant, il est vrai que chacun d'entre nous est responsable de sa propre santé. Si nous consommions moins d'aliments malsains et nocifs, nous allégerions considérablement la charge financière qui pèse sur les services sanitaires. Bien entendu, ceci ne serait pas dans l'intérêt de tous si cela devait se produire. Que deviendraient les grandes industries pharmaceutiques et les gigantesques compagnies multinationales qui gagent des milliards grâce aux personnes malades?
Q. : Que pensez-vous de la chasse?
J.D. : La chasse en tant qu'activité de tuer des animaux et que sport n'est certainement pas éthique. Si vous faites référence à la section de l'organisation de chasse qui surveille l'environnement naturel et les animaux sauvages, par exemple en s'occupant de nourrir ces animaux en hiver, elle est très utile. Chasser qui est par définition le fait de traquer et de tuer des animaux n'est, par contre, pas du tout éthique.
Q. : Et quel est votre avis concernant les expériences sur des animaux vivants?
J.D. : Ceci est un dilemme bien connu qui a récemment été examiné par les instances politiques en Europe, en Grande-Bretagne. Vous devriez vous interroger si vous aimeriez vous-même subir de telles expériences. Durant la seconde guerre mondiale, mon père a été prisonnier dans le camp de concentration de Dachau, où il a été victime, tout comme des milliers d'autres personnes, d'expériences médicales. Il n'a pas aimé cela du tout. Certaines personnes diront que ces expériences sont nécessaires pour le progrès de la science, mais je suis convaincu que des méthodes alternatives peuvent être utilisées sans avoir recours aux animaux.
Q. : D'où pensez-vous que le traitement brutal envers les animaux trouve son origine?
J.D. : Cela vient du bas niveau de conscience de la population.
Q. : Et d'un point de vue historique?
J.D. : Il est difficile d'en situer le moment exact dans l'Histoire. C'est une question de respect envers la vie en général. Les animaux sont des créatures vivantes dotées de sensibilité. Chaque personne qui possède un animal domestique sait que les animaux ont des sentiments. Les religions mondiales parlent souvent de respecter la vie, mais elles ne parlent que de la vie humaine, parfois même moins que cela. Si l'on regarde en arrière jusqu'au Moyen-Âge, les catholiques ont proclamé longtemps que les Indiens natifs à peau rouge asservis par les Espagnols et les Portugais n'avaient pas d'âme. Cela signifiait qu'ils ne les avaient pas considérés comme des créatures dotées de sentiments. Ensuite, il ont changé d'avis et déclaré que les Noirs n'avaient pas d'âme, d'où des siècles d'esclavage des Noirs. Tout cela avec la bénédiction de l'Église. Aujourd'hui plus personne n'accepte encore de telles déclarations. On peut voir que la conscience historique de la population est changeante en dépit des vues exprimées de la part de certaines institutions à des moments donnés.
Q. : C'est bientôt Noël. Pour des millions de gens, c'est le temps du bonheur, de l'amour et de la paix. Pour des millions d'animaux, c'est le temps d'une cruauté encore aggravée dans les abattoirs, un temps où nos tables regorgent de cadavres. Et tout ceci afin de célébrer la naissance d'un homme qui aimait les animaux, les protégeait et ne les tuait pas. Quelle est votre position à ce sujet?
J.D. : Jésus se retournerait dans sa tombe s'il savait qu'un abattage massif d'animaux était perpétré chaque année en son nom. Son message était fondé sur le respect absolu de la vie et il est très difficile d'imaginer qu'il pourrait accepter le sacrifice, en son honneur, de millions de créatures vivantes.
Q. : Etes-vous conscient que tous les végétariens, vous compris, sont maudits par l'Église et condamnés au feu éternel?
NOTA : Anathème prononcé par le pape Jean III (561-574) lors du premier synode tenu à Braga, au Portugal: «Si quelqu'un refuse, pour des raisons malsaines, de manger des plats de viande que Dieu a offerts aux êtres humains pour leur consommation, alors qu'il soit l'objet d'un anathème.»
(Cod. Alderspac. 184 membranac. Saec. XIV. zit. nach Ignaz von Döllinger, Beiträge zur Sektengeschichte des Mittelalters, Bd. 2, München 1890, S. 295 f.).
J.D. : Ceux qui disent cela ne sont pas habilités à décider qui va en enfer et qui n'y va pas.
Q. : Les dirigeants de ce monde soulignent toujours leurs efforts pour une paix mondiale. Pensez-vous que la paix soit liée à notre relation avec les animaux et à nourrir les humains sans la nécessité de tuer les animaux? Tolstoï a dit «Tant qu'il y aura des abattoirs il y aura des guerres».
J.D. : Si le niveau de conscience d'une personne est très élevé, elle ne tuera pas ni n'infligera des actes cruels aux animaux. On ne peut pas s'attendre d'une telle personne qu’elle aille à la guerre ni tue d'autres gens pour un profit quel qu'il soit. Les gens qui ne tuent ni ne mangent des animaux ont une plus grande chance d'atteindre un mode de vie de paix et d'harmonie. Tout est lié dans sa propre conscience. À un niveau supérieur, le lien se fait avec les autres. Rendre les gens plus conscients, c'est là la clé.
Q. : Comment les politiques au niveau mondial voient-ils cela?
J.D. : Les politiques au niveau mondial ne sont pas davantage conscients que la majorité des gens. J'ai remarqué que dans de nombreux cas des gens ordinaires sont plus conscients que les politiques. On voit de nombreuses organisations non gouvernementales promouvant des causes qui ne sont pas les priorités des gouvernements. Cela est valable concernant notre traitement envers les animaux, l'environnement ou les modifications climatiques. Cette pression pour un changement vient de personnes ordinaires de notre société. Lorsqu'une fraction critique de gens acceptent une idée, quand la majorité des gens espèrent et réclament un changement, alors les politiques répondent à cette aspiration. Hélas, les politiques ne sont pas ceux qui encouragent les autres à être conscients; au lieu de cela, ils suivent l'opinion du public du moment. Mais lorsqu'ils sentent son soutien leur échapper, alors ils révisent leurs priorités.
Q. : Tolstoï est l'un des nombreux «grands esprits» de l'humanité qui a parlé ouvertement en faveur du végétarisme. J'y ajouterai les quelques noms suivants: Pythagore, Leonard de Vinci, Nikola Tesla, Albert Einstein, et le Mahatma Gandhi.. Ces personnes sont renommées pour l'importance de leurs oeuvres et des résultats qu'ils ont obtenus, ils sont souvent cités du fait de leur génie. Pourquoi pensez-vous que l'humanité refuse d'écouter leurs convictions concernant les animaux et le végétarisme. Prenons l'exemple audacieux de la déclaration d'Albert Einstein: «Rien n'augmentera davantage les chances de survie sur Terre que le passage à l'alimentation végétarienne de l'humanité.» Quel est votre réaction concernant la citation de ce grand savant de la physique?
Ces bienfaiteurs de l’humanité ont tous milité activement en faveur du Végétarisme.(De gauche à droite : Tolstoï, Gandhi, Einstein, Tesla, Pythagore, De Vinci.)
J.D. : Certainement, les chances de survie à long terme de l'humanité vont augmenter. Tout est lié. Une meilleure qualité de la nourriture est en quelque sorte liée avec un niveau plus élevé de la conscience. C'est un processus parallèle, et si nous pouvons faire l'un nous pouvons faire l'autre. Il est cependant peu raisonnable d'attendre de personnes n'ayant qu'un niveau peu élevé de conscience et qui sont cruelles envers les animaux de mettre fin aux guerres, d'arrêter de manipuler leurs semblables, d'aider à éradiquer la pauvreté dans le monde. En bref, tant que le niveau de conscience est bas, tous les conflits actuels dans le monde persisteront et augmenteront même les risques de l'extinction des humains.
Q. : Les gens qui disent aimer les animaux mais mangent de la viande sont-ils de vrais amis des animaux?
J.D. : Je pense que ces gens aiment vraiment les animaux, leurs animaux domestiques, mais par ailleurs mangent systématiquement d'autres animaux. Si ces mêmes personnes devaient abattre elles-mêmes une vache avant d'avoir un steak dans leur assiette, elles y réfléchiraient à deux fois. Les produits carnés sont présentés à la vente sous une forme tellement modifiée que les gens ne font pas le lien avec des animaux vivants et réels.
Q. : Certaines femmes portent de la fourrure d'animaux en hiver. Que pensez-vous de cette industrie de la mode?
J.D. : Ici encore, il s'agit d'une prise de conscience par la population. Souvent les gens acceptent automatiquement des modèles de comportement sans se poser de questions. Ce n'est que lorsqu'on se les pose qu'on peut modifier son point de vue et mieux percevoir le type de produit acheté.
Q. : D'où les gens détiennent-ils le droit de tuer, d'emprisonner et de torturer les animaux, et en même temps réclamer la paix et des droits pour eux-mêmes? Est-ce que ceci est approuvé par la constitution?
J.D. : Ce n'est pas inscrit dans la constitution en tant que tel. Evidemment, les juristes et législateurs diront que ce n'est pas exclu; en fait c'est présumé légal.
Q. : De source non officielle, j'ai appris que votre chien Brodi était végétarien. Est-ce vrai?
J.D. : Votre information est exacte. Mais vous devriez lui demander, car je ne suis pas autorisé à répondre en son nom. (rires!).
D.L. : Merci beaucoup, Monsieur le Président, de nous avoir accordé cet entretien.
Source: Revue de la Libération des Animaux, janvier 2006
Édition: Association slovène pour la libération des animaux et leurs droits
ÈRE NOUVELLE – Septembre 2006